À propos du dernier film de Robert Guédiguian L'Armée du crime

Publié le par Thierry Piel

           

        Le jeudi 3 septembre était projeté au cinéma Katorza à Nantes, en avant-première, le tout dernier opus du réalisateur français Robert Guédiguian l'armée du crime. Plutôt connu pour un cinéma plus intimiste et… plus marseillais, Guédiguian commet là son second film à caractère historique après Le promeneur du Champ-de-Mars en 2005, une très belle épure sur les dernières années d'un Mitterrand magnifiquement campé par Michel Bouquet.

À l'issue de la projection, le réalisateur s'exprima sur les liens viscéraux qui depuis l'enfance le rattachent à l'histoire du groupe Manouchian surnommé après son arrestation par la police française, l'Armée du crime.


Tout est dit dans cette appellation diffamatoire, du combat inégal qui opposa dans le Paris des années 1943-1944 la Résistance aux forces de l'ordre française pourchassant juifs et résistants pour le compte des Allemands que le film montre à la fois surpris et admiratif du zèle et de l'efficacité de la police française.


Mais pourquoi après avoir démantelé le groupe Manouchian s'empressa-t-on de donner la plus grande publicité à l'évènement au travers d'un procès théâtral puis de l'exécution des 23 résistants ?


Les affiches placardées par leurs bourreaux montrant leurs visages accompagnés d'illustrations évoquant les dégâts collatéraux des attentats de la Résistance et des bombardements alliés répondent à cette question : parce qu'ils sont étrangers, parce qu'ils sont communistes, parce qu'ils étaient cette anti-France chères aux collaborationnistes. Vissak Manouchian et ses hommes appartenaient aux francs-tireurs-partisans main-d'œuvre-immigrée (FTP MOI). Nombre d'entre eux s'étaient réfugiés en France avant ou pendant la guerre pour échapper aux totalitarismes qui se développaient un peu partout en Europe.


La défaite française et l'occupation allemande qui s'en suivit les piégea. Robert Guédiguian a la bonne idée de nous montrer ces hommes avant qu'ils n'entrent en résistance contre l'occupant . On saisit les lents cheminement qui les conduiront de la résignation à la révolte armée.


Pour ne pas se disperser le réalisateur se concentre plus particulièrement sur trois figures : Vissak Manouchian, Marcel Rayman et Thomas Elek. On notera au passage l'apparition d'un certain Henri Krasucki plus connu aujourd'hui pour avoir dirigé la CGT entre 1982 et 1992. C'est cependant avec Vissak Manouchian que Guédiguian, arménien par son père, renoue avec une certaine mémoire familiale qu'il avait déjà abordé en 2006 dans Le voyage en Arménie. Le souvenir du génocide arménien de 1915 dont fut victime sa famille semble ici donner la main à la Shoah dont la mise en œuvre est évoquée à plusieurs reprises dans le film au travers, entre autres, de la rafle du Vel d'Hiv.


La seconde partie du film consacrée aux attentats est traitée sans excès. À aucun moment les sentiments complexes qui animent les principaux acteurs ne sont écrasés par les effets spéciaux des explosions.

Le personnage de l'inspecteur joué par Jean-Pierre Daroussin mû par des sentiments contradictoires contribue à étoffer un film qui finalement s'avère assez fidèle à la manière Guédiguian, intimiste dans son approche sans que la geste résistante des hommes de l'Affiche rouge ne perde de son intensité, un pari cinématographique réussi pour le réalisateur.


Thierry PIEL

 

Publié dans Lectures Cinéma

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