La France de demain? Grande-Bretagne : 170 000 bacheliers sans fac à la rentrée

Publié le par loic Bureau

         Déjà, un peu partout en France, les étudiants en médecine doivent s'habituer à suivre des cours télédiffusés ou en podcast en lieu et cause du cours traditionnel devant un professeur. Nos voisins d'outre-manche, souvent en avance en terme de régression (sic), ont fait un pas de plus en instaurant des quotas à l'entrée des facultés du royaume.

Rentrée universitaire 2010 à UCL (University College London) (Elisabeth Blanchet)

      Cette semaine, les étudiants britanniques reprennent le chemin des amphis. Et la rentrée, tout comme l'avenir de l'enseignement supérieur, s'annoncent moroses : plus de 170 000 jeunes se retrouvent sans place à l'université pour cause de restrictions budgétaires.

      Le taux de réussite au A-Level -équivalent du baccalauréat- a pulvérisé les records cette année et atteint 97,6%. Mais sur les 674 000 demandes d'inscription en premier cycle universitaire, un quart d'entre elles ne sont pas satisfaites.

     Comment en est-on arrivé là, après treize années d'une politique travailliste visant à démocratiser l'accès à l'université ?

Tony Blair en 1997 : « Education, education, education »

On se souvient de Tony Blair, arrivant à la tête de l'Etat britannique en 1997, armé du slogan « Education, éducation, éducation ». Fâché par le fait que la tranche d'âge des 18-30 ans ne soit pas plus représentée dans le supérieur -ils étaient 41,5% en 1999-, il décide que 50% d'entre eux devront suivre des études universitaires d'ici 2010.

Aujourd'hui, trois mois avant la fin de l'année, seulement 43% des 18-30 ans suivent des études dans le supérieur.

Les travaillistes sont bien loin d'avoir atteint leur fameuse « target » (cible). Au contraire : d'un côté, les demandes d'inscription augmentent (+11,8% par rapport à l'an passé) et de l'autre, le nombre de places diminue.

Les restrictions budgétaires imposées au supérieur début 2010 ont, entre autres, entraîné une baisse du nombre de places disponibles pour les étudiants britanniques et ceux venant de l'Union européenne.

Le gouvernement fixe les effectifs du premier cycle

Comment fonctionne le système d'accès à l'université en Grande-Bretagne ?

Même si elles bénéficient d'une grande autonomie, les institutions d'enseignement supérieur britanniques sont publiques -à quelques rares exceptions- et c'est le gouvernement qui détermine le nombre d'étudiants qu'elles peuvent accueillir en premier cycle.

L'Ucas (Universities and colleges admission service), organisme d'Etat, gère les demandes d'inscription dans le supérieur.

Chaque futur étudiant constitue un dossier dans lequel il donne par ordre de préférence six choix d'universités. Chacune a ses propres critères de sélection, basés sur les notes obtenues au A-Level.

Si le bachelier n'obtient pas les résultats exigés par l'établissement de son premier choix, il doit se soumettre au système du « clearing », c'est-à-dire voir s'il peut bénéficier d'une place dans une des universités qui figurent ensuite sur sa liste.

Des places de plus en plus rares et chères

Et cette année, le clearing fut synonyme de cauchemar pour de nombreux jeunes Anglais : le nombre de bacheliers a battu des records mais celui des étudiants sur la touche aussi…

Dans ce contexte de compétition accrue, c'est toute la politique de démocratisation de l'enseignement supérieur qui se trouve remise en question.

Les places sont de plus en plus rares et chères : depuis l'arrivée de Tony Blair en 1997, l'université est devenue payante.

De 1 270 euros en 2001, les frais de scolarité annuels sont passés à 3 895 euros depuis la rentrée universitaire 2009 et beaucoup prédisent qu'ils vont de nouveau augmenter dès 2011.

Le nouveau gouvernement de coalition va en effet annoncer à l'automne les nouvelles lignes de sa politique de financement du supérieur.

Alors que les conservateurs se sont toujours montrés en faveur de l'augmentation des frais de scolarité, les libéraux-démocrates ont défendu leur abolition durant leur campagne pré-électorale. Mais, coalition rime avec compromis, et il semble que les libéraux-démocrates laisseraient les conservateurs mener la danse en matière de financement du supérieur.

« Aim lower » plutôt que « Aim higher »

Au-delà de la démocratisation de l'accès à l'université et du fameux dispositif travailliste « Aim higher » (« Visez plus haut ») que les travaillistes avaient mis en place pour arriver à leurs fins, une même question se trouve au cœur des débats et des éditoriaux des journaux de cette pré-rentrée universitaire :

« Est-ce que cela vaut vraiment la peine d'aller à l'université ? »

        La peur de l'endettement et la perspective de commencer sa vie active endetté d'environ 30 000 euros freine de plus en plus de jeunes. Ils préfèrent la formule « Aim lower » et la voie des apprentissages en entreprise, du bénévolat ou encore de l'entrée directe dans la vie active.

La garantie d'avoir un emploi plus rémunérateur si on suit des études supérieures est de moins en moins vraie dans la société britannique. Il est d'ailleurs prévu que le rapport d'automne encourage le développement des apprentissages dans les entreprises.

Malgré un taux de réussite record au A-Level, la rentrée universitaire s'annonce morose et les faits ne font que confirmer qu'une nouvelle fois, les grandes ambitions des gouvernements Blair et Brown n'ont pas atteint leurs objectifs…

Quant au rapport sur le financement du supérieur qui sera dévoilé à l'automne, il laisse présager un avenir de plus en plus compétitif et onéreux pour les étudiants britanniques.

Photo : rentrée universitaire 210 à UCL (University College London) (Elisabeth Blanchet).

Publié dans Université

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